L’ancien Congo d’après les archives romaines
On sait que fort peu de temps après la découverte du Congo par Diogo Cäo, la conversion du royaume fut commencée. Chargé par Alexandre VI de l’évangélisation des terres nouvellement découvertes, le roi de Portugal put, en fait, y établir une sorte de protectorat qui se traduisit, au point de vue religieux, notamment par le fait que, pour les relations avec le Saint-Siège, les rois du Congo devaient recourir à l’intermédiaire de Lisbonne. Il est vrai que, plus tard, les souverains congolais ont tenté de communiquer directement avec Rome à l’insu des ministres portugais,mais ceux-ci n’ont cessé de mettre obstacle à l’entrée de missionnaires étrangers et à la création d’une organisation ecclésiastique autonome.
Le Congo releva d’abord du vicaire de Tomar, ce qui montre assez la connexion avec l’Ordre du Christ, donc avec la Couronne. En 1514, il fut rattaché à l’immense évêché de Funchal dont la juridiction allait alors du Brésil aux Indes. En 1534, on le joignit à celui de Sâo Tome, jusqu’à ce qu’en 1596 un siège fût érigé, à la demande conjointe des rois de Portugal et du Congo, à Sâo Salvador, la capitale du royaume nègre…
L’introduction est très copieuse et fournit notamment des indications sur le royaume du Congo et ses rois, reprises en partie au volume de Mgr. Cuvelier sur l’ancien Congo (1946) ainsi qu’aux nombreuses notices de cet auteur dans la Biographie Coloniale Belge. Il est intéressant de noter que les rois de Portugal interviennent parfois pour essayer de faire triompher l’hérédité dans la succession au trône, alors que, traditionnellement, chaque nouveau monarque devait, malgré l’élection dont il était l’objet, assurer son pouvoir par la force au grand dam de la stabilitéintérieure. Ceci montre que le roi de Portugal exerça une sorte de tutelle, de protectorat. Les auteurs, comme leurs prédécesseurs, disent bien que le Congo n’était pas territoire de conquête (p. 4) ce qui est exact, mais « royaume indépendant et allié » du Portugal, ce qui mérite une nouvelle étude que leur recueil contribuera d’ailleurs à rendre possible. Il est révélateur que, tout comme les rois du Congo ont voulu traiter directement avec Rome, ils ont aussi désiré obtenir du Saint-Siège des bulles garantissant un ordre de succession. On a l’impression qu’en s’adressant à Rome, ils essayaient, dans un cas comme dans l’autre, d’échapper à la tutelle de Lisbonne. Il y a là tout un jeu de forces — et de faiblesses — dans lequel les rois du Congo et du Portugal, les « féodaux » congolais, les gouverneurs de l’Angola jouent un rôle qui mériterait d’être examiné de plus près…
Certains rois congolais suivent une politique très personnelle. Diogo (1545-1561), en même temps qu’il charge son ambassadeur de demander l’intervention du pape en sa faveur, essaye de renouveler avec le roi Joäo III le traité de 1517 qui défendait aux Portugais l’accès d’un autre port que celui de Mpinda. Il essaye d’obtenir directement du pape l’envoi de prêtres et de religieux, parle même de lui faire hommage, mais le Portugal empêche la réussite de la négociation. Son successeur est imposé par les Portugais, mais assassiné. Alvaro Ier (1568-1587) est sauvé par les Portugais de Säo Tome lors de l’invasion des Bayaka. A ce moment, le roi de Portugal fait même ériger une forteresse avec une garnison, payée par le roi du Congo. Néanmoins ce même souverain essaye d’obtenir la protection du Saint Siège en lui proposant la cession d’un territoire minier.
Bientôt les Hollandais commenceront également à tenir leur rôle dans ce jeu compliqué. Ils établissent des factoreries à Mpinda et Mbanza Soyo, évidemment avec l’approbation du pouvoir local. Certains religieux portugais pensent alors que leur pays devrait établir une forteresse à Mpinda, mais le roi du Congo Alvare III (1615-1622) expulse les Hollandais, sans doute pour échapper à cette menace. Il est vrai que l’on ne lui en sut pas gré, car le gouverneur de l’Angola attaqua le sud de son royaume peu après. Sur plusieurs de ces épisodes qui devraient être repris dans une étude de la position politique, sinon juridique, du royaume congolais, le recueil fournit d’utiles précisions. Les rois du Congo percevaient une dîme et donnaient en nzimbu, c.-à-d. en coquillages, la monnaie du pays, divers montants à l’évêque, toujours portugais, et au clergé. A cause de l’éloignement, les évêques de de Säo Tome, qui eurent le Congo sous leur juridiction pendant quelque 60 ans, faisaient percevoir leurs droits par leurs proviseurs, lesquels achetaient des esclaves et les expédiaient sur le marché de Säo Tome où on les réalisait, moyen expéditif, mais assez surprenant malgré tout, de monnayer les coquillages congolais. D’ailleurs, il se développa parmi le clergé un véritable trafic d’esclaves causé par le désir de réaliser les nzimbu…
Un très intéressant personnage fut Jean de Quintan adoine, évidemment apparenté aux marchands sévillans du même nom qui firent souche en Normandie. Après avoir établi des maisons de Carmélites à Bruxelles, Louvain, Mons et Anvers, il s’intéressa au Congo et échangea même des lettres, datées de Bruxelles, avec le roi du Congo. Ces documents sont parmi les plus anciens qui concernent les relations de la Belgique et du Congo.
Les rapports de visites ad limina sont particulièrement intéressants. Celui de Villanova, évêque de S. Tome, daté de 1597 (pp. 221-249), est encore plus important pour S. Tome que pour le Congo, comme on pouvait s’y attendre. Celui de Baptista de 1619 (pp. 388-404) n’est plus dans le même cas, non plus que celui de Soveral de 1640 (pp. 505-516). Ils mériteraient une étude comparative à plus d’un point de vue. Le premier déclare que le Congo contient encore beaucoup d’indigènes hostiles au christianisme et que les chrétiens vivent dans le concubinage et la polygamie. D’après le second, les chrétiens mêlés aux peuples païens retournent facilement aux pratiques barbares. Les curés, en effet, baptisaient tous ceux qui s’adressaient à eux, sans donner l’enseignement indispensable. Ils percevaient un droit pour chaque baptême, mais ignoraient assez généralement la langue des indigènes auxquels ils devaient s’adresser à l’aide d’interprètes…
Sur le commerce des esclaves les renseignements sont nombreux aussi bien dans l’introduction (pp. 85-92) que dans les documents. A noter que les marchands portugais faisaient des raids au Congo avec l’approbation tacite ou ouverte du gouverneur de l’Angola. Au Congo même et en Angola, les évêques et les missionnaires disposaient d’esclaves pour leur service personnel et leurs plantations…
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